Nous sommes une majorité à désirer un monde meilleur, plus respectueux des autres êtres humains et de l’écologie, avec moins d’inégalités, moins de violence, plus de liberté, un monde où chacun pourrait s’épanouir et développer toutes les potentialités de son être. Nous avons atteint les capacités techniques pour que cela soit possible et pourtant nous assistons à un pillage de la planète, à la montée de la violence guerrière, à une compétitivité exacerbée comme s’il n’y avait pas assez de place pour tout le monde, à voir quelques très riches qui peuvent tout se permettre et beaucoup de très pauvres qui ne peuvent même pas manger à leur faim.
La justification de tout cela est toujours économique, c’est en son nom qu’on nous impose l’hyper compétitivité, les délocalisations et le chômage, l’austérité, la détérioration des acquis sociaux, la braderie de l’état social, la perte de la démocratie. Pourtant, un système économique est déterminant pour l’organisation sociale et devrait être sous le contrôle du politique: s’il ne l’est pas, c’est que les politiques sont devenus les valets de plus puissants qu’eux.
Nous sommes tellement imprégnés par ce système dit « néo-libéral »qu’il nous est difficile d’en imaginer un autre. Pourtant je vous propose de partir de rien, d’une époque où la monnaie n’existe pas encore, pour construire un système monétaire respectueux des individus et de la démocratie, ce qui nous permettra de mesurer le fossé qui le sépare du système actuel mais nous motivera aussi pour transformer celui-ci.
Supposons pour cela une petite communauté où l’argent n’existe pas encore mais qui fonctionne selon le principe de la répartition du travail : chacun se spécialisant dans une activité, il devient nécessaire d’organiser les échanges pour que chacun puisse avoir tout ce dont il a besoin et que la communauté survive.
Il y a d’abord le don : chacun donne aux autres ce qu’il produit sans compter en espérant que les autres feront de même pour ce dont il a besoin. Cela est valable dans une petite communauté où tout le monde se connait et voit ce que font les autres. Le risque dans une communauté plus grande est qu’il y en ait qui s’épuisent à donner alors que d’autres profitent des dons sans rien produire eux-mêmes.
Si le don ne veut pas être gratuit et demande une réciprocité, on peut envisager le troc : on échange au lieu de donner. L’inconvénient en est quand les choses à échanger n’ont pas la même valeur, ou quand on ne trouve rien à échanger qui satisfasse celui qui possède le bien convoité. Le troc est surtout utilisé pour des échanges entre communautés.
L’invention de la monnaie est un progrès sur le troc car elle va pallier à ces 2 inconvénients en mesurant la valeur des échanges et en permettant leur mutualisation. Chacun pourra savoir s’il a produit suffisamment ou s’il est en dette envers la société, il pourra vendre à l’un et acheter à un autre. Lorsqu’on échange 2 richesses de valeurs différentes, celui qui a donné la richesse de plus grande valeur garde la différence de valeurs pour échanger avec d’autres.
Notons bien que tous les échanges n’ont pas besoin d’être monétisés: lorsqu’on a confiance dans la capacité de rendre à celui à qui on donne, ou quand on peut se permettre de donner sans avoir besoin de retour, dans les échanges entre amis, encore plus dans les échanges amoureux, quand ce qu’on échange est inestimable, il n’y a pas besoin de monnaie. Celle ci n’intervient que quand la communauté devient trop grande et que la confiance en l’autre n’est pas automatique, elle sert juste à mesurer que personne ne va recevoir plus qu’il ne peut donner. (Ceci dans une société démocratique où tous les individus sont égaux, nous verrons qu’ elle peut aussi être utilisée à d’autres fins).
La fonction première de la monnaie dans une démocratie est de mesurer la valeur des échanges.La monnaie n’est qu’un instrument de mesure : elle mesure les valeurs comme un mètre mesure les longueurs. Elle n’a pas de valeur en soi ou, si elle a une valeur propre, cette valeur est indépendante de la valeur de ce qu’elle mesure (de même que la longueur du mètre est indépendante de la longueur de l’objet mesuré).
Regardons plus concrètement comment mettre en place une monnaie :
Il faut tout d’abord se mettre d’accord sur une unité de valeur et attribuer à chaque chose commercialisable une valeur multiple de cette unité.
_Que choisir comme unité ? On peut choisir n’importe quoi : une fève, une poule, une vache, un kilo de blé, une pièce en or, un morceau de papier, un signe sur un livre de comptes, une heure de travail. Il suffit qu’elle soit assez petite pour que la valeur de tout ce qui est à échanger en soit des multiples.
_Comment estimer la valeur de chaque chose ? Cette estimation est forcément subjective et il n’y a guère d’autre solution que de s’en remettre à la loi de l’offre et de la demande. Le prix se négocie entre le vendeur et l’acheteur. L’estimation la plus juste serait de considérer le temps de travail nécessaire pour créer cette richesse, mais d’autres facteurs entrent en jeu: la rareté, la difficulté, la beauté, …
_Comment enregistrer la transaction ?
Avec un livre de comptes : chacun a un compte où se marque en unités positives ce qu’il a vendu et en unités négatives ce qu’il a acheté. Il peut ainsi se rendre compte s’il a donné plus qu’il n’a reçu ou le contraire. C’est ce qui s’est fait dans l’antiquité et se fait actuellement dans les SEL (Systèmes d’Echange Locaux). C’est un système très simple et très sûr qui a pour seul inconvénient de devoir se référer au livre de compte chaque fois que l’on fait un échange.
Nous pouvons aussi matérialiser cette monnaie avec des pièces et des billets par exemple et garder la monnaie en échange de ce qui a été vendu, comme preuve . Cette solution est beaucoup plus problématique que la précédente car cette monnaie a 4 valeurs différentes:
_elle a la valeur de sa fabrication, le prix du papier, de l’encre et de la main d’oeuvre pour fabriquer un billet ou le prix du métal et de la main d’oeuvre pour fabriquer les pièces. Nous parlerons de valeur propre et de monnaie vide.
_Elle représente la valeur de ce que nous venons de vendre: nous parlerons de monnaie pleine.
_elle a aussi la valeur de ce que celui qui vous l’a donné a fait pour l’obtenir, et qui peut être très différente de la valeur que vous lui attribuez, vide ou pleine différemment..
_Elle a enfin la valeur de ce que vous pouvez acheter avec elle.
Comme rien en apparence ne distingue ces 4 valeurs, il a paru nécessaire de les homogénéiser: ce sont les conventions sociales et la loi de l’offre et le demande qui homogénéisent les monnaies pleines. Reste le problème de la différence entre monnaie vide et monnaie pleine: une première solution fut de donner à la monnaie une valeur propre importante, aussi importante que les autres valeurs: c’est ainsi qu’il y eut des pièces en or. Mais le besoin de monnaie augmentant, et l’or étant en quantité finie, les pièces ont contenu de moins en moins d’or, jusqu’à devenir des billets un peu rattachés à l’or puis plus rattachés du tout. Lorsque la valeur propre de la monnaie est devenue très faible, pour qu’elle puisse encore être acceptée comme représentant une valeur, il faut 3 conditions :
_Qu’elle soit acceptée par tous et en particulier par les instances dirigeantes, l’état. C’est l’état qui légifère pour indiquer quelle monnaie ne peut être refusée en paiement d’une valeur ou pour s’acquitter des taxes et impôts.
_qu’elle ne puisse pas être falsifiée par de faux monnayeurs: seuls ont le droit de la fabriquer ceux désignés par l’état.
_et qu’elle corresponde à des valeurs réelles. Cela implique que l’on fasse confiance à l’organisme émetteur de cette monnaie de ne l’émettre que pour des valeurs réelles.
Comment cette monnaie est-elle émise pour représenter des valeurs réelles ?
. Pour que la monnaie créée représente une valeur réelle, elle ne doit être donnée qu’à celui qui a vendu une richesse (j’entends par richesse un bien matériel, ou un service, ou une compétence, ou un temps de travail). Celui qui achète doit avoir auparavant produit une richesse lui aussi, ou alors a dû emprunter.
Il y a 2 manières d’emprunter :
_emprunter à quelqu’un qui a trop de monnaie pleine (avec valeur) par rapport à ses besoins et lui rendre quand on aura produit soi-même suffisamment, avec éventuellement un cadeau de remerciement ou un intérêt.
_emprunter à l’organisme émetteur de la monnaie-sans-valeur qu’on lui rendra quand on aura produit suffisamment pour avoir la même quantité de monnaie avec valeur.(cela correspond au compte négatif du livre de compte que l’on promet de ne pas laisser négatif). Cela prouvera, comme dans le livre de compte, que l’on s’est acquitté de sa dette envers la société en produisant autant que l’on avait emprunté et l’on rendra alors l’instrument de mesure comme on rendrait un mètre à celui qui nous l’a prêté pour faire la mesure. Mais cela va poser un gros problème car, pendant tout un temps avant le remboursement, il va y avoir en circulation à la fois de la monnaie vide et de la monnaie pleine et que rien ne permet de distinguer l’une de l’autre; mieux, l’une se transforme en l’autre au cours d’une transaction: si vous payez ce que vous achetez avec une monnaie sans valeur qui vient d’être créée, elle devient instantanément entre les mains du vendeur une monnaie avec valeur ( c’est pour cela que vous devez rendre de la monnaie avec valeur à celui qui vous a prêté de la monnaie sans valeur). Mais, contrairement à l’emprunt précédent, il n’est pas possible pour l’organisme émetteur de demander des intérêts car cela reviendrait à prendre de la monnaie avec valeur dans le circuit économique alors que son rôle est d’en mettre, cela créerait de l’inflation et un endettement non remboursable. Pour bien comprendre cela, regardons ce qui se passe sur une communauté réduite au minimum de 3 personnes, Pierre, Jean, Bernard :
Supposons pour simplifier qu’ils aient chacun une richesse à proposer aux autres, et que ces richesses soient estimés à la même valeur, 10 unités. Jean voudrait acheter à Pierre, Bernard à Jean et Pierre à Bernard. Comme il n’y a pas encore de monnaie qui circule, Jean va emprunter à l’OE (organisme émetteur) 10u: ces 10u n’ont aucune valeur (ou seulement leur valeur propre, très faible, on peut parler de monnaie vide, ou monnaie dette), ils mesurent seulement la dette de Jean envers la société, dette qu’il s’engage à rembourser en produisant pour la société au moins autant. Avec ces 10u, il paye Pierre qui les garde en échange de sa richesse; ces 10u ont maintenant de la valeur, ils représentent la valeur de la richesse qu’il vient de vendre et lui donnent le droit d’acheter pour la même valeur. Les 10u vides sont magiquement devenus 10u pleins alors que rien ne distingue l’un de l’autre. Bernard qui n’a pas d’argent non plus va faire de même pour acheter à Jean : il s’endette de 10u vides qu’il donne à Jean, ils deviennent alors pleins et Jean va pouvoir rendre les 10u pleins à l’OE qui les détruit: les pleins ont annulés les vides, Jean a payé sa dette envers la communauté . Pierre qui a déjà 10u pleins va pouvoir acheter à Bernard sans emprunter, ce qui permettra à Bernard de rembourser sa dette. Au final, tout l’argent créé par l’OE lui a été rendu, il n’y a plus de monnaie qui circule mais tous les échanges souhaités ont pu se faire et personne n’est en dette envers les autres.
Il est évident que dans une communauté aussi restreinte,il n’y a pas besoin de monnaie, mais le raisonnement serait le même dans une communauté plus large et si les objets à échanger n’avaient pas la même valeur; au final, certains resteraient avec de la monnaie pleine et d’autres avec de la monnaie dette mais la somme totale serait nulle.
Qui va être cet organisme émetteur et comment va-t-il fonctionner ? La monnaie étant un service public, il semblerait normal que ce soit un organisme public. Ce fut le cas pendant longtemps avec des banques centrales d’état seules habilitées à créer la monnaie. Ce n’est plus le cas actuellement dans la plupart des pays occidentaux, en particulier aux USA ( où la « Réserve Fédérale » est en réalité un consortium de banques privées) et en Europe ( où la Banque Centrale est hors contrôle des états membres).
Imaginons maintenant que l’OE soit un banquier qui ne soit pas au service de la communauté mais vise seulement son intérêt propre: il va prêter mais en demandant des intérêts sur l’argent créé (normal, pensez vous, il faut bien qu’il se rémunère, mais vous allez voir que cela change tout): Jean emprunte 10u mais doit en rendre 11 ; il n’a que 2 solutions, augmenter la valeur de sa richesse et la vendre 11u à Bernard ou emprunter encore 1u qu’il ne pourra jamais rendre. Supposons que Bernard accepte l’augmentation de prix : il emprunte 11u, mais il devra en rendre 12. Pierre est coincé : il ne peut pas acheter à 12u car il n’a que 10u et, s’il emprunte 2u, il ne pourra jamais les rembourser puisqu’il n’y aura plus de monnaie en circulation.
Pour qu’un système monétaire puisse fonctionner dans un communauté fermée, il est nécessaire que l’organisme qui crée la monnaie ne prenne pas d’intérêts sur les prêts qu’il accorde.
S’il y a une seule loi scientifique en économie, c’est celle-là, et, pourtant elle n’est pas appliquée dans le système actuel qu’on nous impose.
Bien sûr, cette loi n’est valable que si le banquier crée la monnaie, il aurait le droit de demander des intérêts pour vivre s’il prêtait de l’argent plein ou des promesses d’argent plein, comme cela se faisait autrefois. Il est récent que les banquiers aient le droit de créer l’argent qu’ils prêtent. Celui qui crée la monnaie a besoin certes d’être rémunéré pour le service qu’il rend, mais il ne peut le faire en demandant des intérêts, nous verrons plus loin comment il peut l’être.
Le fait que ce soit un banquier privé qui crée la monnaie a un autre effet pervers: celui qui emprunte se sent désormais en dette non plus envers la société, mais envers la banque, ce qui justifie tout le pouvoir que peut exercer la banque sur lui en se comportant comme si elle prêtait de l’argent plein: il s’agit ni plus ni moins d’une escroquerie, la dette reste envers la société et non envers la banque.
Le fait que l’organisme émetteur soit géré par la collectivité comme un service public permet non seulement de prêter sans intérêts à tous ceux capables de créer des richesses et rembourser un jour, mais aussi de payer directement par création monétaire (pleine puisqu’elle correspond à une richesse créée) tous ceux qui travaillent pour la communauté : c’est la collectivité qui est en dette envers eux et rembourse en donnant de la valeur contre leur monnaie. C’est l’équivalent d’un impôt qui aurait dû être levé pour les payer, mais indolore : il demande à la collectivité de produire plus mais l’enrichit au lieu de l’appauvrir. C’est d’ailleurs la seule façon possible de démarrer car, au départ, quand tout le monde a remboursé ses dettes, il n’y a pas d’argent qui circule et il est impossible alors de lever des impôts: il faut commencer par donner de l’argent plein avant de pouvoir en ponctionner. Les impôts ne se justifieront que lorsqu’il y aura trop d’argent en circulation.
Prenons l’exemple de celui qui gère l’organisme émetteur : s’il ne peut prendre d’intérêts, comment va-t-il être rémunéré ? Il produit quelque chose pour la communauté, donc mérite d’être payé par elle. Pour cela, 2 solutions : ou on lève un impôt qui permettra de le payer, ou on le paye par création monétaire . L’impôt est pour l’instant impossible car nous avons vu que si les échanges entre les membres de la communauté sont équilibrés, il n’y a plus d’argent en circulation. Son travail doit donc être payé directement par création monétaire, la collectivité rembourse en donnant des richesses en échange de cette monnaie mais , au lieu de s’endetter, elle s’enrichit. La masse monétaire en circulation augmente, elle s’adapte automatiquement aux besoins. (Bien sûr, il faudra un contrôle démocratique pour qu’il ne puisse pas se payer autant qu’il veut).
Il en est de même pour les investissements apportant une richesse dont profite toute la communauté, par exemple autoroute ou hôpital : ceux qui les construisent sont payés par création monétaire et, en acceptant cette monnaie contre des richesses, la communauté paye cette réalisation qui lui appartient d’emblée.
Tout cela correspond à ce qui se passerait s’il n’y avait pas d’argent : ceux qui travaillent pour la communauté sont pris en charge par celle-ci qui se charge de les nourrir. C’est le système monétaire qui s’adapte aux besoins de la communauté et non le contraire.
Quand l’organisme émetteur de monnaie est géré par la collectivité, il peut payer les investissements collectifs et ceux qui travaillent pour le collectif avec de la création monétaire. Cela remplace l’impôt et ne produit pas d’inflation. Il n’y a pas d’inflation tant que la monnaie créée correspond à la valeur d’une richesse produite.
Ce problème de l’inflation est à approfondir car il a servi de prétexte pour créer une Banque Centrale Européenne indépendante des états et ne pouvant pas prêter aux états: « si les états contrôlaient la Banque Centrale, ils s’en serviraient pour créer de l’argent à tout va, pour masquer leur mauvaise gestion, et, quand il y a trop d’argent qui circule par rapport aux besoins, les vendeurs peuvent se permettre d’augmenter les prix, ce qui crée de l’inflation ». Le premier raisonnement est spécieux: si on part du principe que l’état va mal utiliser les outils qu’on lui donne, il ne faut rien lui confier d’autre non plus, et, dans un état démocratique, si le gouvernement fait une mauvaise gestion, il ne sera pas reconduit. Ensuite, les causes de l’inflation n’ont jamais été clairement analysées et sont multiples: nous avons vu que les prêts par création monétaire avec intérêt poussent à l’inflation, elle peut être due aussi à la hausse du coût des matières premières importées, mais elle est surtout due à un système dont l’objectif essentiel est l’enrichissement. Enfin, l’inflation n’a pas que des inconvénients car elle pénalise surtout les rentiers. Ici, l’OE ne peut pas émettre de la monnaie n’importe comment, seulement pour un investissement collectif qui appartiendra à la communauté ou pour payer ceux qui travaillent pour le collectif: n’oublions pas que ce sera le seul argent plein qui restera en circulation quand tous les emprunts auront été remboursés. Avant que la quantité d’argent plein atteigne le PIB, il faudra plusieurs années, et, lorsque ce sera le cas, il sera possible de remplacer la création monétaire par des impôts: l’état pourra jouer entre création monétaire et impôt pour adapter finement la masse monétaire pleine aux besoins. ( Et, si nous sommes dans un état très démocratique avec séparation des pouvoirs, il sera possible que l’OE soit un service public sous contrôle citoyen mais non soumis à l’état, soumis seulement aux contraintes d’émission citées plus haut).
Pour arriver plus vite à ce que ce soit uniquement de l’argent plein qui circule et éviter les successions d’emprunts, il serait peut-être possible que l’OE verse au départ à tous les citoyens une certaine quantité d’argent plein, mais les conditions d’attribution semblent assez difficiles à déterminer pour respecter les impératifs d’émission.
Regardons maintenant ce qui se passe lorsque c’est un banquier qui se propose d’être l’organisme émetteur de monnaie, sans contrôle démocratique:
_Il va prêter à qui il veut, en quantité qu’il veut, au taux qu’il veut : quel énorme pouvoir ! C’est lui, et non la société, qui va décider des investissements à faire et il choisira non pas ceux qui sont le plus intéressants à long terme, mais ceux qui rapportent le plus à court terme. Il peut augmenter ou diminuer la masse monétaire à sa guise, créer inflation ou récession.
Le fait de prêter de la monnaie créée avec intérêts déséquilibre complètement le système monétaire, comme nous l’avons vu, et fera des exclus qui ne pourront pas rembourser. Cela va créer une compétition sauvage entre les membres de la communauté, chacun essayant d’éviter d’être exclu. Cela tend aussi à provoquer de l’inflation car, pour pouvoir payer les intérêts, une possibilité est de gonfler le prix de sa richesse. Ce système ne peut perdurer que dans une fuite en avant, une expansion perpétuelle qui permet de reporter sur d’autres le défaut de paiement ou l’endettement non remboursable. Voilà pourquoi les USA sont dans un expansionnisme permanent, voilà pourquoi les économistes adeptes de ce système ne voient de salut que dans la croissance: quand il y a croissance, beaucoup empruntent; avant que les emprunts soient remboursés, il y a beaucoup de monnaie vide qui circule et donne l’impression d’un augmentation de la masse monétaire. Le problème est que quand tous les emprunts sont remboursés avec les intérêts, il y a encore moins d’argent en circulation qu’avant.
L’état ne pourra pas créer de monnaie et ne pourra se financer que par l’emprunt et l’impôt. En dernier recours, quand il faudra bien augmenter la masse monétaire, c’est sur lui que retombera l’endettement non remboursable (voilà pourquoi tous les états adeptes de ce système ont des dettes exponentielles qui ne font que croître, quoi qu’ils fassent). Fini également la possibilité de payer les réalisations collectives avec de la création monétaire, il devra lever des impôts ou emprunter encore et s’endetter encore plus (voilà pourquoi on nous impose l’austérité).
Enfin, rien ne l’empêche de créer de la monnaie pour autre chose que des richesses produites, en particulier pour spéculer à la bourse; les investissements spéculatifs ne sont pas des investissements productifs et ne devraient pas avoir droit à de la création monétaire. Actuellement, 95% de l’argent créé sert à la spéculation: en 2016, la Banque Centrale Européenne a racheté pendant des mois 60Md d’actifs par mois, ce qui revient à distribuer de la monnaie en la donnant uniquement aux banques qui ne s’en sont servies que pour spéculer ( c’est plus que le déficit budgétaire annuel d’un pays comme la France et deux fois la charge des intérêts de la dette de l’Etat français). Cela crée une inflation masquée, car elle n’est pas prise en compte dans l’indice, mais elle est gigantesque et enlèverait toute valeur à la monnaie si les utilisateurs le savaient.
La spéculation et le prêt avec intérêt permettent à ceux qui ont déjà beaucoup d’argent, essentiellement les banques, d’en acquérir encore plus sans rien produire, ce qui est une absurdité: il est incompatible pour un instrument de mesure de s’agrandir à l’usage; imaginez que votre mètre s’allonge quand ce que vous mesurez est grand, un instrument de mesure doit au contraire, rester le plus stable possible. C’est à comparer également à une énergie qui s’accroîtrait quand on la stocke, ce qui est contraire aux principes de l’entropie. Nous devons perdre l’habitude de considérer qu’il est normal que l’argent placé « rapporte »: cela ne se justifie que parce que nous n’en avons pas assez et pour compenser l’inflation, ce qui ne devrait pas avoir lieu dans un système bien géré. Il serait plus normal que l’argent capitalisé, donc inutilisé dans des échanges, perde peu à peu sa valeur. C’est ce qu’ont voulu marquer certaines monnaies locales en étant « fondantes ».
Peu de banquiers sont pleinement conscients de ce qu’ils font en créant de l’argent et en le prêtant avec intérêts. Ils équilibrent des balances, ils appliquent un fonctionnement archaïque de réserves fractionnaires qui n’avait de raison d’être que lorsque la monnaie était rattachée à l’or (cela permettait de multiplier l’argent insuffisant créé par la banque centrale). Même si leur fonctionnement leur parait réglementé, il n’en entraîne pas moins toutes les conséquences décrites précédemment.
Mais ceux qui dirigent le système, essentiellement quelques grands banquiers anglo-américains, sont parfaitement conscients des énormes pouvoirs que donne la création monétaire : ils permettent de contrôler toute la vie sociale. Comme l’a dit si bien un certain Mayer Amschel Rothschild, à l’origine de tout cela : « donnez-moi le contrôle de la monnaie et je me moque de qui fait les lois ». Et c’est parce que le système monétaire est contrôlé par des banquiers que la préoccupation majeure est devenue de gagner toujours plus d’argent, indépendamment des besoins de la population et de toute valeur morale.
Comment le pouvoir de création monétaire permet de tuer la démocratie: voir la suite
création monétaire et démocratie
On comprend que ceux qui ont en mains un tel pouvoir fassent tout pour le conserver et rêvent de dominer l’humanité entière, mais comment s’en sont-ils emparés ? Jusqu’où peuvent-ils aller pour le conserver ? Leur mise en lumière amène à une nouvelle lecture de l’Histoire.
voir la suite: histoire de la création monétaire