Notre situation économique actuelle est absurde car, malgré tous les progrès techniques, tous les gains de productivité, il y a de plus en plus de pauvres : de plus en plus de citoyens sont exclus du monde du travail, donc de la société de consommation car, malgré l’abondance potentielle de biens, sans argent, on ne peut rien avoir ; beaucoup essayent de survivre par des petits boulots épuisants et mal payés qui ne leur rapportent même pas le SMIG, 5 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté ; enfin, ceux qui ont « la chance » d’avoir un emploi subissent de plus en plus de pression pour travailler toujours plus avec de moins en moins de reconnaissance. Pourquoi en arrive-t-on là ? On peut chercher des fautifs : le progrès technique qui diminue les emplois, les délocalisations permises par les traités européens, les capitalistes qui en prennent trop pour eux, l’état qui ne les impose pas suffisamment, tolère la fraude fiscale et ne redistribue donc pas assez, mais personne ne remet en question les bases d’un système si mal conçu qu’il ne peut à l’évidence pas fonctionner de façon pérenne.
La façon dont circule l’argent dans la société parait actuellement si compliquée que beaucoup renoncent à comprendre mais les principes de base sont simples :
La vie en société repose sur une répartition du travail : au lieu que chacun vive en autarcie sur son territoire en produisant lui-même tout ce dont il a besoin, il se spécialise dans une activité qu’il échange avec ceux qui produisent ce qui lui manque. Pour échanger des biens ou des services de valeurs différentes, on a inventé l’argent.
Notons bien 2 remarques importantes :
_Tout travail ne donne pas lieu à un échange monétisé : quand on travaille pour soi en faisant son ménage ou tondant sa pelouse au lieu de faire appel à un professionnel, quand on se rend des services entre amis, quand on échange des choses de même valeur, il n’y a pas besoin d’argent. C’est pourquoi le PIB ne rend absolument pas compte de la quantité des échanges dans un pays, encore moins de la qualité et du bien-être de la population : par exemple si celle-ci travaille dans de mauvaises conditions qui la rendent malade, il faut payer en plus les médecins, les pharmaciens et les industries pharmaceutiques, le PIB augmente mais le bien-être a diminué.
_A l’origine l’argent n’est qu’un instrument de mesure, ce n’est pas lui qui a de la valeur, la valeur se situe dans les biens ou les services que les personnes s’échangent et l’argent n’est là que pour la quantifier. L’argent joue exactement le même rôle que le mètre quand vous voulez mesurer la longueur d’un objet. Quand vous avez fini de mesurer, vous pouvez rendre le mètre à celui qui vous l’a prêté. De même, après avoir réalisé un échange de valeurs égales, vous pouvez rendre l’argent à celui qui vous l’a prêté. Par contre, si l’échange est de valeurs inégales, l’argent qui vous reste représente de la valeur, le morceau de valeur supérieure du bien ou du service que vous avez échangé et qui va vous permettre un nouvel échange sans rien apporter de vraie valeur nouvelle autre que cet argent. C’est pour symboliser cette valeur que l’on avait rattaché la monnaie à l’or d’abord en faisant rentrer de l’or dans la composition des pièces, puis en la rattachant à une quantité d’or détenue par la banque centrale, et enfin, comme le volume de monnaie nécessaire dépassait la quantité d’or disponible, on a supprimé la convertibilité, c’est-à-dire que la monnaie n’est plus rattachée à rien . Ce n’est pas un problème en soi car n’importe quoi peut servir de monnaie, l’important étant la conservation de sa valeur qui dépend de la confiance qu’on lui accorde et de la bonne gestion de ceux qui fabriquent la monnaie ( s’il y a trop de monnaie en circulation, il y a inflation et elle perd de sa valeur)Autre élément d’incertitude, alors qu’une longueur ne varie guère dans le temps, (elle peut évoluer en fonction de la température mais très peu), l’évaluation de la valeur d’un bien ou d’un service est très subjective. C’est pourquoi on s’en est remis à la loi de l’offre et de la demande. Cette loi imparfaite permet toutes les inégalités : ceux dont les biens produits ou les services sont très valorisés peuvent devenir très riches alors que d’autres peu demandés sont très pauvres ,quelque chose qui valait beaucoup un jour peut ne plus rien valoir quelque temps plus tard, et les rapports de pouvoir peuvent s’en mêler pour surconsidérer la valeur de ce qu’apporte le plus fort et déconsidérer la valeur de ce qu’apporte le plus faible (une journée de travail d’un patron peut valoir autant de nos jours qu’un an de travail d’un ouvrier). Avoir de l’argent est rapidement devenu synonyme de pouvoir social et ceux qui en avaient plus que leur besoins ont inventé deux nouvelles règles machiavéliques : le prêt avec intérêt et la spéculation qui permettent, quand on a trop d’argent, d’en avoir encore plus sans rien produire. Cela ne fait qu’accroitre les inégalités. Nous y sommes tellement habitués que cela parait normal mais on n’a jamais vu un instrument de mesure s’accroître tout seul.
Ensuite, une fois l’argent créé, pour que le système économique fonctionne de façon pérenne au niveau d’un pays ou d’une communauté, il est nécessaire que tout l’argent qui a été gagné lors d’échanges déséquilibrés soit redépensé, redistribué dans le même pays ou la même communauté, sinon la masse monétaire en circulation diminue inexorablement et c’est la récession sauf si on rajoute de l’argent frais pour compenser les pertes. Or les pertes sont inévitables :
-Il y a d’abord tous ceux qui capitalisent, les petits comme vous et moi quand ils mettent de l’argent à la caisse d’épargne, et les gros qui ont des milliards pour les jouer à la bourse . Il y a ensuite ceux qui font sortir l’argent du circuit, par exemple ceux qui placent leur argent à l’étranger au lieu de payer leurs impôts. Cet argent-là ne circule plus et la masse monétaire globale en circulation diminue.
-Il y a paradoxalement les banques : tout le monde croit que les banques redistribuent une partie de l’argent qui leur est déposé en prenant un intérêt pour leur frais de fonctionnement. Cela était vrai autrefois mais ne l’est plus maintenant : quand vous empruntez de l’argent à une banque, elle le crée tout simplement sur une ligne d’ordinateur, c’est de l’argent sans valeur, une fausse monnaie, absolument identique aux faux billets que fabriquaient les faux-monnayeurs autrefois car elle permet d’acheter de la valeur avec une monnaie qui n’en a pas. Par contre, c’est vous qui allez lui donner de la valeur par le travail que vous allez fournir pour rembourser. Quand vous aurez remboursé, elle effacera de ses comptes l’argent qu’elle avait créé pour vous et personne ne s’apercevrait de la supercherie si elle ne vous réclamait pas en plus des intérêts: c’est comme si celui qui vous avait prêté un mètre pour mesurer un objet vous demandait de lui rendre en plus un pourcentage de l’objet que vous avez mesuré. Ces intérêts, vous devez les soustraire à la masse monétaire (des valeurs) commune, donc de l’argent va manquer à quelqu’un d’autre quand il voudra rembourser sa banque à moins qu’il n’en prenne lui même à un autre, … Au bout de la chaîne, il y aura des faillites. C’est ce système qui oblige à la compétitivité à outrance et à l’exclusion des plus malchanceux. L’argent des intérêts va sortir du circuit car la banque essaiera de le faire fructifier en spéculant à la bourse. Autrement dit, une banque ne fournit pas d’argent dans le circuit économique, elle ne le redistribue pas non plus, elle en prend.
Même si la balance commerciale est en équilibre, même si l’argent était mieux redistribué par les impôts, ces 2 raisons font que la masse monétaire globale en circulation diminue et quand elle diminue, il y a récession économique. Pour qu’il n’y en ait pas, il faudrait plutôt qu’elle augmente régulièrement car, chaque fois que la population augmente, chaque fois qu’il y a création d’entreprise, chaque fois qu’un échange qui n’était pas monétisé le devient (par exemple quand quelqu’un qui travaillait au foyer prend un travail rémunéré et une aide-ménagère également rémunérée), il faut pour qu’il n’y ait pas récession rajouter régulièrement de l’argent dans la masse monétaire en circulation.
_Qui régule la quantité d’argent créé? Nous avons vu que les banques privées créent de l’argent chaque fois que vous empruntez mais que cet argent n’accroît qu’illusoirement la masse monétaire en circulation tant qu’il n’est pas remboursé et la diminue ensuite. La véritable création et régulation monétaire est le rôle de la banque centrale: elle crée une monnaie également sans valeur réelle ( c’est celui qui utilise la monnaie qui lui donne de la valeur, pas la banque) mais avec valeur légale: une série de décrets oblige chaque citoyen à l’accepter comme moyen de paiement. Cette monnaie imposée par l’état devrait être sous le contrôle de l’état mais elle ne l’est plus. Pourquoi cette absurdité ? Parce que les politiques ont laissé quelques banquiers privés s’accaparer du pouvoir de créer l’argent à la place de l’état puis de lui facturer non pas au coût de la fabrication mais au prix de la valeur qu’il représente et même encore plus cher puisqu’ils demandent des intérêts. Toute création monétaire se traduit donc par une dette de l’état envers ces banques privées, dette qui ne peut être qu’exponentielle et non remboursable puisque pour la rembourser il faut emprunter encore plus. Actuellement, tout l’argent de nos impôts sert à rembourser l’intérêt de la dette alors que si c’était l’état qui battait monnaie, il n’y aurait plus de dette. C’est en ce sens que le système est ubuesque car quoiqu’on fasse par ailleurs il ne peut pas fonctionner de manière pérenne : il aboutit fatalement à une récession économique. C’est la raison essentielle de la « crise » actuelle qui n’est que la répétition des « crises » passées et à venir, qui n’est pas une crise mais l’aboutissement inéluctable d’un système abscons, à la fois stupide et obscur, qui endette inexorablement les états et donne tout pouvoir aux banques sur les états car, sous prétexte du remboursement de cette dette illégitime, elles en viennent à dicter des politiques d’austérité.
La seule solution dont on nous parle pour sortir de ce genre de « crise » en gardant ce système a toujours été « la croissance », mais ce n’est qu’une solution illusoire et temporaire pour 2 raisons :
_une croissance infinie dans un monde fini est impossible et la croissance dans un état se fait toujours au détriment d’un autre état.
_Quand il y a croissance, il y a beaucoup d’emprunts et, tant qu’ils ne sont pas remboursés, beaucoup d’argent fictif créé par les banques circule, la masse monétaire globale semble avoir augmenté et l’économie fonctionne mieux. Mais quand les prêts sont remboursés, on s’aperçoit qu’il y en a encore moins qu’avant et c’est une nouvelle « crise ». Jusqu’à quand pourra-t-on aller comme cela ? (et ceci indépendamment des crises bancaires supplémentaires dues à l’excès de spéculation boursière)
Cette prise de pouvoir des banquiers sur les états a une longue histoire (plus d’info sur http://democratie-sociale.fr/2015/le-coup-detat-des-grands-banquiers-2/ ). Elle s’est légalisée aux USA quand ils ont réussi à faire voter par le congrès la « loi sur la réserve fédérale » qui, comme son nom ne l’indique pas, n’est ni une réserve, ni fédérale, mais un consortium de 2 ou 3 banques privées anglo-américaines habilité à créer à volonté la monnaie américaine et à endetter exponentiellement les USA. Comme elles créent beaucoup trop d’argent par rapport aux besoins économiques, le dollar n’a plus grande valeur réelle mais il maintient son cours artificiellement car les USA ont pratiquement obligé les états du monde entier à l’utiliser dans leurs transactions internationales et dans les réserves de leur banque centrale. Ils peuvent ainsi acheter toutes les valeurs réelles du monde avec un dollar qui ne vaut rien et le jour où ils décideront de le dévaluer brutalement, tout le monde sera ruiné sauf eux qui possèderont les vraies valeurs.
La construction européenne s’est faite sur le modèle américain avec une banque centrale qui ne peut ni donner ni même prêter aux états mais seulement aux banques privées qui prêtent ensuite aux états avec intérêts substantiels. D’où l’endettement énorme de tous les états de l’UE depuis la création de l’euro.
Aucun progrès social, aucun respect de l’environnement ne peut être mis en place tant que ce système perdure car dans la logique bancaire imposée, tout est ramené à l’argent comme seule valeur, les états n’ont pas d’autre solution que de s’endetter et d’être soumis aux dictats des banques. On ne peut en sortir qu’en rendant à la banque centrale de chaque état, ou de l’Europe si on veut créer une vraie Europe des peuples et non seulement des marchandises, l’exclusivité d’une création monétaire donnée aux états (ou directement à ceux qui en ont besoin) à prix coûtant pour équilibrer la masse monétaire en circulation en fonction des besoins. L’argent est un service public qui ne peut être confié au privé. En attendant que les politiques le fassent au niveau national, il est possible de créer des monnaies locales sur ce principe : une banque centrale qui crée la monnaie en quantité juste suffisante et ne prend pas d’intérêt quand elle prête, une capitalisation rendue inutile car la monnaie ne prend pas de valeur en la conservant, elle peut même en perdre lorsqu’elle est « fondante » pour encourager la rapide circulation, la spéculation y est interdite, il est impossible de sortir cette monnaie de la communauté car elle n’a aucune valeur à l’extérieur. A chaque fois, la prospérité locale a suivi : les Suisses par exemple ont une monnaie locale presque aussi importante que la monnaie nationale, le Wir, qui pour contrarier la capitalisation est « fondante », c’est à dire qu’elle perd de sa valeur quand on la stocke, ce qui atténue considérablement les effets de la « crise ». De plus en plus de villes de part le monde possèdent leur monnaie locale: Toulouse par exemple possède 3 sortes de monnaies locales: le SEL, système d’échange local, assez répandu en France, amélioration du troc qui permet d’échanger des biens et des services occasionnels (non professionnels) dont l’unité de monnaie est la minute de temps de travail; le SOL Violette, véritable monnaie reliée à l’euro, qui permet le commerce professionnel (mais en payant les taxes en euro), et l’Oseille, monnaie locale non reliée à l’euro.