Nous savons utiliser la monnaie mais n’avons aucune compréhension du fonctionnement du système monétaire dans son ensemble. L’expliquer de façon abstraite est compliqué, le vivre en modèle réduit permet à tous de mieux comprendre.
La plupart des jeux que l’on propose sur la monnaie ne simulent que de façon très imparfaite ce qui se passe dans le système monétaire d’une nation. Ce jeu est beaucoup plus proche des conditions réelles car il fait la distinction entre les gens ordinaires, qui cherchent à satisfaire leurs besoins à travers des échanges, et ceux qui travaillent pour la communauté, dont les besoins doivent être satisfaits par les autres.
Des ateliers sont régulièrement organisés dans la région de Fontainebleau, vous pouvez vous y inscrire en utilisant la rubrique « contact ». Sinon, voici une description assez complète, avec des annexes explicatives facultatives destinées au meneur de jeu, afin que vous puissiez l’organiser vous-mêmes.
Préparation du jeu
Chaque joueur possède une enveloppe sur laquelle il écrit son prénom et possède des cartes vierges (ou confectionne des cartes) sur lesquelles il écrit les différentes lettres de son prénom. (on peut trouver des jeux de cartes vierges). Les cartes de tous sont réunies, mélangées et seront redistribuées de façon aléatoire. Le jeu consistera à faire des échanges afin que chacun arrive à reconstituer son prénom , ce qui symbolisera le fait qu’il a satisfait ses besoins: dans les lettres qui lui sont distribuées, il y a des lettres de son prénom, qui symbolisent ce qu’il est capable de produire pour lui, et d’autres lettres qui symbolisent ce qu’il est capable de produire pour les autres qu’il devra échanger contre d’autres productions qui l’intéressent. 2 joueurs ont un rôle particulier : le meneur de jeu, qui symbolise les politiques, et son assistant(e) qui symbolise les fonctionnaires. Ces 2 joueurs là, qui sont au service des autres doivent avoir leurs besoins satisfaits par les autres. Ce jeu sera joué plusieurs fois dans différents systèmes afin de pouvoir les comparer. Un joueur supplémentaire apparaîtra à partir du 3eme jeu : le banquier ou créateur de monnaie.
Premier jeu: pas de monnaie,
Les cartes mélangées de tous sont distribuées à ceux qui ne représentent pas l’état, chacun reçoit plus de cartes que son prénom car il doit aussi subvenir aux besoins de ceux qui travaillent pour la communauté ( il faut travailler plus pour eux).
Pas de consigne sur la façon de faire des échanges, le groupe s’organise tout seul pour faire ses échanges. Le (la) fonctionnaire a une feuille pour noter le temps mis par chacun pour finir son travail (écrire son prénom et donner des lettres aux gouvernants). Donner des lettres aux gouvernants veut dire que pendant le jeu chacun garde les lettres pour son prénom et donne son surplus aux gouvernants pour qu’ils puissent reconstituer leur prénom aussi.
Tout le monde y arrive dans un temps relativement court. Les échanges se font dans la bonne humeur et le troc est souvent abandonné au profit de petits groupes coopératifs qui mettent en commun leurs compétences.
Deuxième jeu : le troc
Même préparation que pour le premier jeu : Les cartes mélangées de tous sont distribuées à ceux qui ne représentent pas l’état, chacun reçoit plus de cartes que son prénom car il doit aussi subvenir aux besoins de ceux qui travaillent pour la communauté.
Mais cette fois il est interdit de « tricher » en se mettant à plusieurs pour qu’un joueur serve d’intermédiaire à d’autres : il faut que les joueurs soient espacés les uns des autres et ne se rencontrent que 2 par 2. Ils ne peuvent échanger que si chacun a une carte qui convient à l’autre.
On constate que cela va beaucoup moins vite que dans le jeu précédent, il faut beaucoup plus de rencontres pour arriver à faire les bons échanges et certains peuvent même ne pas y arriver. Le troc était surtout utilisé dans les échanges entre communautés. A l’intérieur les échanges étaient plus communautaires, avec ou sans monnaie.
Troisième jeu : le système monétaire actuel
La monnaie est créée par un banquier privé qui ne fait pas partie de la communauté, un joueur nouveau qui n’était pas là aux jeux précédents. Il prête de la monnaie à tous ceux qui le demandent avec un intérêt de 1 billet pour 4 prêtés.
Chaque lettre vaut 1 billet et il n’y a pas le droit d’échanger sans argent, par don ou troc (dans le système actuel, on veille à ce que ce type d’échanges reste très marginal).
Les joueurs peuvent choisir d’emprunter ou pas. Quand ils empruntent ils ne peuvent emprunter que 4 billets à la fois. A la fin de la partie chaque joueur va devoir rembourser ses emprunts s’il en a fait, avec les intérêts, et payer des impôts. Le montant total des impôts correspond à la somme des lettres du politique (meneur de jeu) + fonctionnaire+ les intérêts du banquier sur cette somme. Le montant que chacun doit donner est donc le montant total des impôts divisé par le nombre de joueurs. (par exemple, si le prénom du meneur de jeu contient 8 lettres et celui de l’assistant-fonctionnaire 6, il faudra emprunter 16 billets pour les payer et rendre 20 billets à la fin. Donc les impôts sont de 20 billets au total à répartir sur le nombre de joueurs ordinaires).
Les cartes mélangées sont distribuées de la même façon que précédemment. Chaque joueur doit reconstituer son prénom en empruntant ou non, puis rembourser le banquier s’il a emprunté et payer les impôts nécessaires pour payer les fonctionnaires. L’état doit emprunter au banquier l’argent nécessaire pour se payer et payer les fonctionnaires, et remboursera avec l’argent des impôts. Avec l’argent acquis, ils peuvent acheter leurs lettres aux autres. Le fonctionnaire, tout en achetant ses lettres, écrit le temps mis par chacun pour finir, s’il peut finir, sinon ce qui lui manque.
Le banquier tient ses comptes à part et saisi des cartes de ceux qui ne peuvent pas rembourser. Son nom n’apparaît pas et il ne participe pas aux échanges.
On donne un temps limite plus long que pour les jeux précédents.
C’est beaucoup moins convivial, il peut même y avoir des disputes, certains essayent de tricher en faisant du troc sans monnaie. Très peu arrivent à tout faire, essentiellement ceux qui ont attendu que les autres empruntent pour leur vendre leurs lettres. Le plus endetté est l’état qui ne recueille pas assez d’impôts pour payer le banquier avec les intérêts. Le grand gagnant est le banquier.
Constatations :
_Il est mathématiquement impossible que cela marche car le banquier n’a pas créé l’argent des intérêts : si on veut tout rembourser, il devient nécessaire de réemprunter au banquier et la dette devient exponentielle. Cela explique pourquoi l’état a des dettes aussi énormes et pourquoi il faut être dans une croissance permanente pour que ce système perdure. C’est ce qui s’est passé chez nous quand Pompidou et Giscard se sont mis à emprunter sur les marchés internationaux au lieu de la Banque de France : nous n’avions pas de dette quand De Gaulle est parti, elle n’a fait que croître de façon exponentielle jusqu’à aujourd’hui.
_Ce jeu montre bien comment fonctionne le capitalisme : ceux qui réussissent pensent qu’ils sont meilleurs que les autres et que si les autres n’y arrivent pas, c’est de leur faute. Ils ne remettent pas en cause le système, sans comprendre que leur réussite se fait forcément au détriment des autres.
Le banquier vit dans un monde à part, le monde de la finance. On voit bien que la finance n’est là que pour parasiter le monde économique : elle n’est là que pour ponctionner le système économique, multiplier cet argent dans le casino boursier international, et revenir dans le monde économique pour s’accaparer toutes les industries et les richesse réelles.(95 % de l’argent créé l’est pour la finance, 5 % pour toute l’économie mondiale)
Annexe 1 : historique sommaire pour expliquer comment on en est arrivé là : Les 2 sortes de monnaie.
Quatrième jeu : la monnaie comme simple mesure de la valeur des échanges
Dans ce jeu, le banquier est maintenant un fonctionnaire qui crée de la monnaie et la donne :
_ à ceux qui ont donné leur travail à la communauté (fonctionnaires) ou ceux qui travaillent à des projets pour le bien commun (des associations, des chantiers participatifs, etc.)
_ou à ceux que la communauté veut aider : malades, handicapés, chômeurs,…
_ou comme allocation de départ dans la vie sociale pour éviter d’avoir à emprunter au début.
Les cartes sont distribuées comme dans le jeu précédent mais cette fois le banquier fait partie des fonctionnaires et son nom fait partie des cartes distribuées. Les cartes de tous sont mélangées et distribuées seulement aux joueurs ordinaires.
Pour pouvoir démarrer le jeu et éviter les comptes négatifs non matérialisables par des billets, le banquier distribue à chacun une allocation de départ de 1 billet.
Puis il paye les fonctionnaires (le banquier, le fonctionnaire et le meneur de jeu) en leur donnant autant de billets qu’ils ont de lettres dans leur prénom
Les fonctionnaires vont acheter leurs lettres pour reconstituer leur propre prénom à ceux qui les possèdent. La monnaie créée va donc circuler des fonctionnaires vers les autres joueurs puis entre eux
Il y a dès le départ de la monnaie pleine qui circule (contrairement à la monnaie vide, ne correspondant à rien, des banquiers), qui est réellement possédée par ceux qui l’utilisent, qui est créée honnêtement, et personne n’est en dette. Il n’y a pas eu besoin d’impôts pour payer les fonctionnaires. Tout le monde arrive très rapidement à satisfaire ses besoins, aussi rapidement que sans monnaie, personne n’est en dette, et il reste de la monnaie à chacun à la fin du jeu.
Constatations
Le simple fait que ce soit l’état, et non des banquiers privés, qui crée la monnaie, permet de créer de la monnaie en quantité suffisante sans s’endetter.
Ce genre de monnaie n’est pas utopique, il a déjà existé : c’est cette monnaie qui a permis à la Russie des tsars d’être l’état le plus avancé sur le plan économique, social et culturel avant la révolution bolchévique, c’est cette monnaie qui a permis à Hitler de redresser économiquement l’Allemagne après la défaite de 1918. Dans un état démocratique, ce pourrait être le peuple qui décide de la création monétaire en votant le budget.
La création monétaire n’est limitée que par les capacités de production du pays. Lorsque la masse monétaire suffisante est atteinte, il faut trouver un moyen de détruire le surplus, par des impôts ou des limitations de hauts revenus.
Cette monnaie existe toujours à échelle réduite dans les SEL (Systèmes d’Echange Locaux) sous une forme démocratique car c’est l’assemblée générale qui vote les règles de création et destruction monétaire.
Comment se situent les monnaies alternatives actuelles ?
Elles permettent de ne pas utiliser la monnaie des banquiers dans des échanges entre particuliers mais elles n’empêchent pas les banques de continuer à contrôler les états.